En 2004, l'équipe brésilienne de football, alors championne du monde, est entrée sur le terrain à Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, pour disputer un match contre l'équipe nationale. Ce match amical, connu sous le nom de « match de la paix », a permis de promouvoir une campagne de désarmement dans le pays et d'apaiser le pays dans un contexte de crise et de conflit, alors qu'il accueillait la mission des Nations Unies pour le maintien de la paix.
Dans une maison sans électricité au nord-ouest du pays, Jean, ses parents et ses trois frères et sœurs se sont rassemblés autour de la radio pour écouter le match. « Chaque Haïtien se souvient de ce jour-là. Il y avait plus de gens qui suivaient le match à l'extérieur qu'à l'intérieur du stade », se souvient-il. Il n'a pu revoir des images du match que six ans plus tard, lorsqu'il l'a regardé à la télévision pour la première fois à son arrivée au Brésil.
Ce fan de football a décidé d'émigrer au Brésil à l'âge de 36 ans. Son objectif principal était de poursuivre des études supérieures. « Pour atteindre un objectif, il faut avoir une stratégie et voir jusqu'où on peut aller ».
Pendant ses études de génie civil à Port-au-Prince, Jean voyait les avions militaires brésiliens atterrir à l'aéroport depuis les fenêtres de son appartement d'étudiant. Plongé dans les livres, Jean se documentait sur les caractéristiques du sol, les formations rocheuses et la géographie du Brésil. Il a beaucoup étudié les capitales d'État comme Rio de Janeiro et São Paulo, mais le destin l'a amené à Recife, dans le nord-est du pays.
C'est à bord d'un avion militaire, comme ceux qu'il observait depuis sa fenêtre, que Jean a fini par atterrir dans une nouvelle ville, grâce à une action conjointe des gouvernements brésilien et haïtien. « C'était en 2010, et après le séisme, il n'y avait plus de vols commerciaux. Je me souviens de ne pas avoir pu dormir la nuit parce que je quittais mon pays en pleine crise après le séisme. C'était une expérience difficile à vivre », admet-il.
La barrière de la langue, qui l'effrayait au début, il l'a surmontée depuis longtemps. Même installé dans sa nouvelle maison, il souhaite toujours trouver des moyens d'aider son pays d'origine. « Tous les Haïtiens ont un sentiment très fort à l'égard de leur pays. Aujourd'hui, je peux dire que je cherche des moyens de développer l'éducation et la technologie dans mon pays ».
Jean dirige aujourd'hui une entreprise de géotechnique, spécialisée dans l'étude des sols et des sous-sols. Il est également chercheur dans le domaine du pétrole et du gaz et termine son doctorat en génie civil.
Après avoir commencé sa nouvelle vie au Brésil, il a réussi à faire venir ses frères et sœurs Juliette, Benedict et Davidson dans le pays. Il a également épousé Iracema, une Brésilienne, et leur fille, Esther Marina, vient d'avoir dix ans. Avec sa famille et ses amis, il a créé une ONG appelée GADE, qui soutient la distribution de fournitures humanitaires en Haïti et au Brésil, ainsi que l'intégration des réfugiés et des migrants par le biais de différentes initiatives dans les domaines de l'éducation, du sport et des loisirs.
Le football, la passion qui l'a lié au Brésil avant même qu'il ne devienne un migrant, reste une grande partie de la vie de Jean. « Le sport peut être un outil de changement social. Il peut être un moyen d'aborder des questions importantes pour la vie des migrants et d'attirer l'attention sur des politiques publiques indispensables ».
C'est ainsi qu'est née la Coupe du Pernambouc pour les migrants et les réfugiés. La Coupe est un projet visant à l'intégration socioéconomique des migrants dans la région. En 2022, avec le soutien de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de plusieurs autres entités, la compétition a réuni des hommes et des femmes de 12 nationalités. Outre les matchs, l'événement comprend des conférences sur les droits et la citoyenneté, des présentations culturelles et une foire pour les entrepreneurs migrants.
La réaction positive du public a incité Jean et ses coorganisateurs à commencer à planifier la prochaine édition. « Nous voulons que notre projet s'attaque à la xénophobie et au racisme et qu'il suscite la paix dans les stades ».
Jean et ses collègues progressent dans la construction d'une société plus inclusive, en fournissant à la communauté des migrants des outils d'intégration tout en stimulant le développement local.
« Les gens migrent pour diverses raisons, parce qu'ils veulent la paix, parce qu'ils recherchent une meilleure éducation ou pour être avec leur famille, par exemple. Cette force et cette motivation que nous avons sont un moteur qu'il faut utiliser pour continuer à faire avancer les choses », déclare Jean.
Les gens migrent pour diverses raisons ; parce qu’ils veulent la paix, parce qu’ils recherchent une meilleure éducation ou pour être avec leur famille, par exemple. Cette force et cette motivation que nous avons sont un moteur qu'il faut utiliser pour continuer à faire avancer les choses.